• Une société sans conflit est-elle souhaitable ?

     

  • Attention, il ne s'agit en rien d'un exercice complet ou à recopier bêtement.

     

    Introduction:  La thèse sous-entendue du sujet est qu’une société sans conflits est souhaitable. Évidemment les gens cultivés paraissent plus attirés par la concorde que par le conflit. Cependant, une société où il n’y aurait plus de conflits, implique une société sans contestation. Aussi on peut se demander si une société sans conflits serait elle vraiment souhaitable et si elle ne pourrait pas paradoxalement être anti-démocratique. Nous verrons d’abord en quoi une société sans conflits est souhaitable, puis dans un deuxième temps, nous verrons qu’on ne peut éliminer tout conflit dans une société, et que cela n’est sans doute même pas souhaitable.

     

    Première Partie: Une société sans conflits paraît souhaitable.

    Premier argument : La manifestation extrême du conflit étant la guerre ; la guerre pouvant être qualifiée de plus grand mal de l’Humanité ; il est logiquement souhaitable d’éliminer les guerres ; et donc de ce fait les conflits.

    La guerre apparaît comme scandaleuse car c’est l’existence d’un Mal généré par l’homme lui-même. Bien sur les tremblements de terre, les raz de marée sont aussi terribles ; mais la guerre est d’autant plus atroce qu’elle est souvent décidée (par quelques uns : les gouvernants)  au détriment du plus grand nombre : les gouvernés. Les guerres tuent pendant le conflit, mais elles continuent de faire des victimes après la restauration de la paix. Ainsi un certain nombre de survivants vont développer des pathologies psychogènes ce qu’on appelle en psychiatrie : les troubles post-traumatiques de guerre. Ces troubles génèrent des phobies, voire des dépressions, des inadaptés sociaux, des alcooliques et drogués, des suicides, sans compter les individus ayant pris goût au plaisir de tuer et qui une fois la paix installée « sont lâchés dans la nature » … Les philosophes, dès le siècle des Lumières ont donc compris l’importance de limiter les guerres. Ainsi Kant, au XVIIIème siècle a  écrit un Projet de Paix Perpétuelle. C’est dans cet écrit que Kant propose pour limiter les conflits de créer une instance internationale : la société des nations qui aurait pour but de « faire la police » entre les États, d’avoir une armée internationale au service de la paix mondiale. Historiquement la société des nations (SDN) a existé et fût un échec patent ; mais de nos jours l’ONU a pris le relais, avec le succès de certaines expéditions menées par les casques bleus. La guerre, étant le Mal porté à son paroxysme, et étant générée par des situations conflictuelles entre communautés semble donc à éradiquer totalement.

    Deuxième argument : Par ailleurs, une société sans conflits, une société de consensus global paraît souhaitable car les conflits déclenchent du désordre, et obligent la création de corps de métiers gérés par l’Etat et assez couteux pour les contribuables comme l’Armée, la Police. Plus une société se sent menacée (par un pays externe) ou par un ennemi intérieur (guerre civile), plus elle est obligée d’augmenter l’importance de son armée et de sa police. Une société de consensus global fondée sur des élections démocratiques régulières et des référendums paraît donc plus souhaitable et permet d’avoir une police et une armée de taille raisonnable ce qui évite les risques de putschs et de mafia organisée par des actions de terreur menées sur les populations civiles.

    Troisième argument : Une société sans conflits paraît souhaitable car bien souvent c’est l’injustice qui provoque les conflits. C’est l’exploitation  de l’homme par l’homme qui est à l’origine dans 90% des cas de conflits graves avec morts d’hommes. Une société sans conflits serait une société idéale où il y aurait une réelle égalité de droits entre les individus. Ainsi A de Tocqueville dans De la Démocratie en Amérique remarque que les sociétés féodales étaient souvent plus violentes et conflictuelles, car plus fondées sur des inégalités flagrantes entre individus de classe sociale différente. Par exemple, le sociologue Tocqueville observe que le sentiment de fraternité, de solidarité, s’arrêtait aux frontières de la classe sociale. Les nobles, par exemple, considéraient leurs vassaux à peine comme des êtres humains. Au contraire, quand les conditions s’égalisent, souligne Tocqueville, les hommes ont une conception de l’Humanité plus large et plus tolérante. Les conflits sont moins apparents et moins nombreux.

    Quatrième argument : La paix paraît aussi plus souhaitable que les situations conflictuelles dans la mesure aussi où toutes les grandes civilisations se sont développées dans une ambiance de paix et non de guerre. Par exemple, ce qui a permis un développement sans précédent de l’Humanité, il y a environ deux mille ans, c’est l’étendue et la durée de la Pax Romana. Quand cette paix fut rompue, en 476 après J-C, que les conflits avec les barbares furent inévitables, la civilisation s’effondra et on rentra pour 1500 ans environ dans la nuit du moyen-âge. Ainsi au moyen-âge, les maçons avaient perdu jusqu’à la recette du mortier ! Les conditions sanitaires furent déplorables entraînant épidémie sur épidémie. Les périodes de paix sont les plus florissantes, et l’Andalousie ne fut jamais plus belle que lorsqu’elle brassa les cultures hébraïques, mauresques et espagnoles.

    Transition: Hélas, une société sans conflits paraît souhaitable, mais difficilement réalisable. Depuis plus d’un siècle, les hommes dans l’Ère moderne bâtissent des périodes de prospérité de quelques décennies, pour immanquablement tomber dans des périodes de récession économique qui aboutissent généralement à des guerres (comme la première et deuxième guerre mondiale). Si l’Humanité n’arrive pas à gérer pacifiquement la crise économique actuelle, il y aura déclenchement inévitable d’une troisième guerre mondiale. Car les hommes ne savent pas encore endiguer une crise économique autrement que par la guerre. Après une guerre, c’est la prospérité pendant quelques décennies, car « il faut tout reconstruire ». Une fois que « tout est reconstruit », revient cycliquement la crise de surproduction . Les conflits sociaux dégénèrent alors en replis identitaires et en guerre.

     

    Deuxième Partie: Malheureusement, c'est concrètement impossible d'éliminer tout conflit dans une société, et cela ne serait pas forcément souhaitable

    Premier argument : Du fait de la liberté humaine et la déficience de l’éducation de certains individus, il y aura toujours des individus déviants, tentés par le Mal. On pourra peut-être définitivement un jour éliminer les guerres ; on ne pourra jamais totalement éradiquer les assassins, les meurtriers. La page politique internationale peut sensiblement s’améliorer, la rubrique des faits divers ne saurait  disparaître.

    Deuxième argument : Non seulement les conflits ne peuvent disparaître de la société humaine, mais ce sont ces conflits eux-mêmes parfois qui ont permis de faire progresser l’Humanité. Les combats de la classe ouvrière tout au long du XIXème siècle et de la première moitié du XXème siècle en Occident, ont favorisé une nette amélioration des conditions sociales de cette dernière comme la création de caisse de retraite, la limitation du nombre d’heures de travail, le SMIC, les congés payés… le conflit est en quelque sorte comme faisant partie de la vitalité d’une société donnée. Une société sans conflits serait une société en état de mort sociale. C’est pourquoi une certaine dose de conflit est inhérente à toute société humaine. C’est ce que Kant appelait « l’insociable sociabilité » humaine. Kant explique cette expression paradoxale dans son Opuscule Étude d’une Histoire Universelle au point de vue Cosmopolitique, les hommes sont à la fois attirés les uns par les autres (sociabilité), mais en même temps ils se repoussent  les uns les autres par jalousie, envie, compétition (l’insociabilité). C’est cette double force « l’insociable sociabilité » humaine qui est le moteur de tout progrès civilisateur. Le conflit est une nécessité sociale, car s’il n’y avait pas de conflits, s’il n’y avait pas de jalousie, compétition, envie, il n’y aurait pas suffisamment d’émulation entre hommes. Et s’il n’y avait pas de conflits, nous en serions encore au stade des cavernes .

    Évidemment ce conflit ne doit pas non plus être trop prononcé comme le remarquait Kant, car sinon il ne serait que destructeur. Il faut que l’insociabilité du genre humain soit contre balancé en permanence par une puissance adverse : « la sociabilité ». C’est « l’insociable sociabilité » dit Kant, cette double force antagoniste qui permet le maintien et le perfectionnement des sociétés humaines.

    Troisième argument : une société sans conflits n’est donc pas souhaitable, et même l’état de guerre n’est pas à bannir absolument selon Kant. Ainsi dans son Projet de paix Perpétuelle, Kant souligne à maintes reprises qu’il ne faut pas que le spectre de la guerre soit totalement écartée. S’il n’y avait plus le risque potentiel d’une guerre, la société humaine rentrerait dans un stade de décadence qui l’anéantirait. N’est ce pas ce qui se passe actuellement en Occident où la guerre ne semble plus qu’un lointain cauchemar en vieux films en noir et blanc, enfouis dans l’oubli de quelques décennies ?!

     

    Conclusion:  Une société sans aucun conflit n’est donc pas réalisable, et même pas souhaitable. Cependant les conflits doivent de plus en plus être régis avec le moins de violence possible. C’est pourquoi nos sociétés voient apparaître des métiers comme celui de médiateur. Ces médiateurs interviennent dans les conflits de voisinage, de travail, dans les familles où l’on divorce et on recompose. Les conflits sont nécessaires pour qu’une société continue d’évoluer, mais ces conflits doivent pouvoir se résoudre par le débat politique démocratique et non par la violence sanguinaire.


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