• Attention, il ne s'agit en rien d'un exercice complet ou à recopier bêtement. 

     

    Analyse du sujet : Il s'agit de s'interroger sur les rapports entre pensée et langage, avec comme présupposé que la pensée est première et que le langage ne serait que le moyen ou l'instrument de la rendre sensible. À partir d'expériences concrètes (incompréhensions, malentendus, termes impropres à exprimer une idée, …), il faudra s'interroger sur les relations entre pensée et langage en déployant les différents sens du terme « trahir » : s'agit-il de manquer à quelque chose que l'on devrait observer (trahir un secret) ? De tromper (trahir quelqu'un intentionnellement), ou de révéler ce qui est caché ou tu (comme un sourire trahit une satisfaction intérieure)

    Problèmes posés par le sujet : Les problèmes posés par le sujet renvoient au lien entre pensée et langage, en comprenant le langage au sens large, qu'il s'agisse du langage courant, du langage mathématique ou conceptuel, du langage artistique (rappel : on parle de système de communication par signaux chez les animaux, pas de langage du fait qu'il n'exprime pas de pensée).
    Peut-on supposer une pensée parfaite, claire que le langage obscurcirait ?
    Si le langage peut trahir ma pensée, suffit-il de mieux exprimer ce que je conçois clairement ?
    N'est-il pas de l'essence même de la pensée que de constituer par et dans le langage ?

    Annonce du plan : La pensée comme travail de conception et d'intellection claire et distincte bute souvent sur la langage incapable de la retranscrire (le langage me trompe) (I). Un effort d'attention et de recherche de la vérité suffirait alors à produire un discours équivalent à une pensée (II). Mais il appartient à la nature de la pensée de ne pas exister sans langage, le langage révèle alors la pensée (III).


    1- Le langage, obstacle à l'expression correcte de la pensée

    A. Le langage trahit la pensée en manquant à son devoir de transcription fidèle des idées.

    a) Expérience familière de malentendus
    Rappeler le double sens de malentendu : mal exprimé et mal compris.
    Les mots manquent pour exprimer une pensée pourtant claire à mon esprit.

    b) Le langage comme masque de la pensée
    Cf .Descartes pour qui la cause d'erreurs vient de ce que « les hommes donnent leur attention aux paroles plutôt qu'aux choses et leur consentement à des termes qu'ils n'entendent point » (Principes de la philosophie, §74).

    c) Distinction présumée entre activité conceptuelle et transmission langagière
    Cf. le projet de Leibniz de langage universel où les signes ne renverraient qu'à des formes conçues par l'entendement : mal parler, ce n'est pas utiliser des mots de travers mais ne « point y attacher d'idées claires » ( Nouveaux essais sur l'entendement humain). Le langage trahit alors la pensée parce qu'il n'identifie pas l'idée au mot correspondant ( d'où le projet de langage universel mathématique)


    B. La pensée se servirait alors du langage comme outil qui lui échapperait.

    a) La pensée trahie par le langage, c'est-à-dire trompée.
    Cf. Les exemples d'ambiguïtés qui viendraient des mots, de leur contexte, mais pas des choses qu'ils sont chargés d'exprimer

    b) La précipitation, facteur d'erreur, de trahison par les mots d'idées claires.
    Cf. Les dialogues entre Socrate et ses interlocuteurs ( Gorgias par exemple et le recherche de la définition de la rhétorique) : Socrate exprime par ses interrogations une pensée que ses interlocuteurs, emportés par la passion, défigurent.

     

    2- Un effort d'attention et de recherche de la vérité suffirait alors à produire un discours équivalent à une pensée.

    A. L'attention à la pensée passe par un travail d'intellection, pas d'expression.

    a) Si le langage trahit la pensée, au sens où il manque à son devoir de l'exprimer correctement, il suffit d'une méthode correcte pour réparer cette « erreur ».

    b) Cf. Descartes, « l'assemblage qui se fait dans le raisonnement n'est pas celui des noms, mais bien celui des choses signifiées par les noms » ( Principes de la philosophie).

    c) La trahison du langage par la pensée se « corrige » par l'exercice d'une pensée méthodique : si je pense correctement, je ne peux que m'exprimer clairement.

    B. Le langage, un outil à discipliner par un exercice de la raison.

    a) La correspondance stricte entre signes et idées
    Cf. Le projet leibnizien de mathesis universalis : les mots renvoient à des idées universelles, comme le montre le langage mathématique.
    Ce qui fait problème, ce n'est pas le langage mais les langues et un usage erroné de la raison.

    b) « Attacher aux mots des idées claires » (Leibniz)
    La pensée se trompe elle-même lorsque la raison divague : le langage reflète un mauvais usage de l'entendement qui s'éloigne de la vérité et donc s'exprime par un langage erroné.


    3- Il appartient à la nature de la pensée de ne pouvoir exister sans langage, le langage révèle alors la pensée

    A. Le langage trahit: révèle la pensée, implicite ou explicite.

    a) « Le sens est pris dans la parole » ( Merleau-Ponty)
    Il n'y a de pensée que parce que le sens se construit avec autrui, la parole n'est pas le « signe » de la pensée, elles sont « enveloppées l'une dans l'autre » ( Merleau-Ponty, Phénoménologie de la perception).
    Passer du langage formel à la parole humaine pour montrer que le travail de révélateur de la pensée se fait parce qu'il y a intersubjectivité entre deux êtres de discours.

    b) La pensée est inséparable de ce dans quoi et par quoi elle s'exprime :
    Cf. L'usage du langage qui construit ou détruit une pensée : l'expérience de la promesse ou du mensonge (et préciser alors que la pensée est entendue au sens large de « tout ce qui se fait en nous tel que nous l'apercevons immédiatement et par nous-mêmes » (Descartes) et non pure intellection).


    B. La pensée se déploie dans l'espace du langage, parce que « les mots n'ont pas de sens, ils n'ont que des usages » (Wittgenstein).

    a) Revenir sur la pensée comme risque et comme recherche de la vérité au sein d'un dialogue : penser, c'est interroger avec d'autres le sens des mots ( Cf. Dialogues socratiques).

    b) Le langage peut aussi révéler une pensée implicite, voire inconsciente : rappeler la démarche freudienne où le langage est ce qui fait advenir les pensées et désirs inconscients.


    Conclusion : Nous avons tenté de montrer que si le langage peut trahir la pensée, ce n'est pas au sens où il ne remplirait pas une fonction servile de transcription d'une pensée pure, claire et distincte, mais que c'est tout le risque du lange de trahir, c'est-à-dire complètement révéler le travail secret de la pensée qui prend chair dans l'expérience humaine du dire. On pourrait alors se demander si le langage poétique ou artistique n'est pas le lieu d'une pensée non pas trahie, mais servie et déployée dans l'expérience esthétique.

     


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